« La paix et l’ordre mondial » menacés par le réchauffement climatique
Tandis que les journalistes se félicitent du « retour du beau temps », l’armée, au sein de la plupart des grandes puissances mondiales, se prépare à rien de moins qu’une guerre climatique.
Dans un nouveau livre intitulé « La guerre chaude », publié chez Les Presses de Sciences Po, une vingtaine de co-auteurs – des colonels, des généraux, des docteurs en sciences de l’information, des chercheurs en climatologie, bref des gens sérieux biens comme il faut – analysent les enjeux géostratégiques liés au dérèglement climatique ainsi que les menaces que celui-ci fait peser sur « la paix et l’ordre mondial ».
Parmi les différentes menaces que ces experts entrevoient à court et à moyen terme, on peut citer :
– Des conflits pour s’approprier l’accès de plus en plus difficile à l’eau potable. (Un quart de la population mondiale vit actuellement dans une situation de stress hydrique intense et la situation s’aggrave de jours en jours.)
– Des tensions interétatiques autour de l’Arctique qui, parce qu’il est en train de fondre, libère par la même occasion l’accès à de nouvelles sources de pétrole et de gaz ainsi qu’à des routes commerciales convoitées notamment par les États-Unis, la Russie et la Chine.
– Des techniques de géo-ingénierie produisant des réactions incontrôlées avec des répercussions potentiellement catastrophiques qui s’étendent bien au-delà des territoires sur lesquels elles ont été initiées.
– Une grave détérioration de la santé physique et mentale (qualifiée par les auteurs de « grande oubliée du réchauffement climatique ») au sein de la population, due à des canicules plus fréquentes, plus intenses et plus longues. « Les périodes de canicule, par exemple, induisent des perturbations du sommeil entrainant fatigue, intolérance à la frustration et comportements violents ». Ces canicules sont susceptibles d’exacerber les tensions, notamment dans les grandes villes, et donner lieu à des guerres civiles.
– L’engloutissement de vastes territoires – 680 millions d’habitants sont concernés – due à la montée des eaux. Dans certains cas, des états entiers sont menacés et cherchent déjà à s’accaparer de nouvelles terres pour éviter de disparaître définitivement.
– Une augmentation de la fréquence et de l’intensité des pandémies suite à la fonte du pergélisol (qui libère d’anciens virus jusque-là emprisonnés dans la glace) et suite à la destruction des derniers espaces vitaux dont disposent les animaux sauvages, entrainant la multiplication de maladies zoonotiques.
– Des affrontements autour des zones de pêche qui s’épuisent un peu partout sur la planète. Ces affrontements pourraient donner lieu à des crises diplomatiques qui débouchent sur des guerres.
– Une forte augmentation des migrations due à la multiplication des catastrophes naturelles (incendies, tornades, inondations, …). Selon la Banque mondiale, les catastrophes naturelles pourraient entrainer jusqu’à 200 millions de réfugiés climatiques par an (!) d’ici 2050. Comme chacun sait, on déplace difficilement autant de personnes dans la joie et la bonne humeur.
– La destruction des piliers sur lesquels reposent les systèmes de santé (infrastructures, équipements, ressources humaines, gouvernance, systèmes d’information), tous menacés directement ou indirectement par le réchauffement climatique (coupures de courant, atteintes des réseaux d’eau potable et d’assainissement, pertes des moyens de communication et/ou d’accès, ruptures des flux logistiques, conditions de travail dégradées, …).
Les auteurs insistent sur le fait que ces menaces ne concernent pas seulement les pays pauvres dont à peu près tout le monde se moque du moment que l’on peut continuer à y extraire des matières premières. Selon eux, « cette situation au niveau mondial affectera directement et indirectement la sécurité de l’Europe et aura donc des implications majeures pour les forces armées ainsi que pour la capacité de gestion civile des crises de l’UE ».
Mais ce que ces auteurs — probablement trop habités par leur fonction et toute l’institution qui s’expriment à travers eux — semblent ne pas réaliser, c’est que c’est précisément cet « ordre mondial », qu’ils veulent défendre à tout prix qui fait obstacle à la paix à laquelle ils aspirent.
C’est cet ordre mondial qui rend possible le saccage de la terre auquel se livrent les multinationales. C’est cet ordre qui permet au capitalisme de ravager le moindre espace de vie au nom du profit, cet ordre qui permet à une minorité de riches et de puissants de faire vivre un véritable enfer au reste du monde pour préserver leurs privilèges et leur domination. Bref, c’est cet ordre que ces militaires, ces chercheurs et ces experts tiennent à préserver, qui produit les causes dont ils déplorent les conséquences.
Et c’est parce qu’ils refusent de reconnaître que la paix et l’ordre mondial sont deux choses qui s’opposent mutuellement qu’ils participent tous à nous précipiter exactement vers ce dont ils prétendent nous protéger.
Le véritable enjeu n’est pas de préserver “la paix et l’ordre mondial” mais au contraire de renverser cet ordre une fois pour toute afin de rendre possible la paix.
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